"Maman ! Ou es-tu ?"
"Du calme, Patte d'Orage... ta maman... nous a quitté..."
"Mais elle va revenir, hein ?"
"Non, mon petit. Elle est partie pour toujours. Nos ancêtres l'ont rappelée auprès d'eux. Elle veille sur toi, maintenant. Pour toujours."
"Non ! C'est injuste ! Je detèste le Clan des Etoiles !"
"La vie est injuste, Patte d'Orage."
"Nos ancêtres sont inutiles ! Ils n'apportent que du malheur ! Plus jamais je ne croirais à ces histoires !"

Pourquoi cette discussion me revient-elle à l'esprit maintenant ? Je n'en sais rien. Mais je sais très bien de quoi elle parle. C'est le moment ou Soupir d'Hiver, la guerisseuse de notre Clan dans ma jeunesse, m'a annoncé la mort de ma mère. Je lui en ai voulu, à cette époque, dans ma vision des choses de chaton. Cependant, ceux que je n'ai jamais cessé de rendre responsable de cette douleur, c'est le Clan des Etoiles, "les guerriers de jadis". Foutaises ! Certes, ils existent, je le sais, mais ils ne veillent pas sur nous comme le prétendent tous les chats de la forêt. Voilà pourquoi, en cette glaciale matinée, je rends visite à un autre félin. Un certain Plume d'Ambre, qui avait jadis fait partie de mon Clan, et l'avait quitté pour devenir chat errant. Des rumeurs circulaient dans la forêt, sur ces chats errants. On raconte qu'une dénommée Brume des Enfers, elle-aussi ancienne chatte du Clan de l'Aurore, serait devenue une sorte de tueuse à gages. Certes, elle a quitté le Clan. Mais personne ne sait rien de ce qui c'est passé ensuite. Jusqu'à maintenant, car je compte bien soutirer des informations à Plume d'Ambre, et pourquoi pas, les rejoindre ? Mon but n'est pas de tuer-enfin, pas que de tuer- mais aussi de dominer la forêt. Et je pourrais très bien y arriver avec l'appui des chats errants. Je baisse les yeux, et fixe mes larges pattes tigrées avancer, toujours plus vite vers le point de rendez-vous que j'ai moi-même donné à Plume d'Ambre. On ne s'est rencontré qu'une seule et courte fois, aussi je n'ai pas pu savoir grand chose à son sujet. Enfin, l'espace entre les arbres s'élargit devant moi, et je me rends enfin compte que je suis sorti depuis longtemps du territoire. L'ambiance est lourde, ici, et le silence règne, seulement percé par les cris des corbeaux qui planent en cerle au-dessus de moi. Que me veulent-ils, à me fixer de leurs yeux noirs, ou brille une lueur cruelle ? J'aperçois une ombre perché sur une pierre plate. Un matou m'attend là, occupé à faire sa toilette. Je décide de le prendre par surprise. Lentement, patiemment et silencieusement, je contourne la pierre et arrive en quelque sorte derrière Plume d'Ambre. Tout à coup, je bondis à ses côtés, aidé de mes puissantes pattes. Je miaule froidement et simplement :

-Salutations, Plume d'Ambre.

[Désolée du retard :/]

-Salutations, Griffe d'Orage.

C'est sûr, celui-ci n'a pas la palme de la politesse. Mais je ne suis pas très bien placé pour ce genre de reproches. Rien que dans son regard, on voyait tout le dégoût que je semblais lui inspirer. Qu'il ne s'inquiète donc pas, je ne l'estime pas non plus! Silence. Assez pesant,
d'ailleurs. Je n'ai pas l'intention de m'éterniser ici. On ne tardera pas à remarquer mon absence et, bien que j'ai pris garde à ne pas me faire suivre, je m'absente beaucoup trop ces derniers temps. Il ne s'agirait pas de se faire questionner, je serai dans de beaux draps! Mieux vaut faire profil bas. Toujours profil bas, c'est la règle d'or. Alors que je m'apprete à lui lancer je ne sais
quelle remarque déplaisante sur l'interêt de ne pas s'éterniser, aux vues et aux sues de tous, lorsque Plume d'Ambre brise le silence, mais pas la glace :

-Parle moi de ton plan.

Exigeant. C'est le premier mot qui me vient à l'esprit avec le ton hautain qu'il emploie. Croit-il qu'il peut me donner des ordres, ce déserteur? Ils sont combien, ces "chats errants"? Quatre? Cinq? Moins, peut-être! Ils n'arriveront à rien en restant dans l'ombre... Je n'ai pas besoin d'insufler du venin dans ma voix quand je répond :

-Tu fais partie des chats errants, n'est-ce pas? J'aimerai savoir quel est votre but. Des bruits courent, dans la forêt. Si j'estime que vos objectifs sont communs aux miens, peut-être vous rejoindrai-je.